Détection et résolution des crises de trésorerie (1)

Par le 28 avril 2017

Détecter et résoudre ainsi que prévenir les crises de trésorerie constitue une priorité pour le directeur financier dont une des missions consiste à assurer la pérennité à moyen et long terme de l’entreprise. Il en détecte la dégradation à partir de l’analyse financière des comptes annuels et intermédiaires, du reporting sur la position de trésorerie.

Le modèle du bilan fonctionnel (FR – BFR = TN) permet d’identifier 5 scénarios de crise de trésorerie, issus soit de la diminution du FR ou de l’augmentation du BFR.

Détection et résolution des crises de trésorerie

Le modèle du bilan fonctionnel

Le modèle d’analyse des équilibres financiers appelé bilan fonctionnel a été conçu par les analystes financiers de la banque de France, au cours des années 80 après les deux chocs pétroliers des années 70. Leur objectif était de détecter les crises de trésorerie qui lorsqu’elles se prolongent conduisent l’entreprise plus ou moins rapidement à la cessation des paiements.

Après une période de 30 années de croissance ininterrompue à l’issue de la seconde guerre mondiale appelée « trente glorieuses », une augmentation soudaine des prix du pétrole entraîna en effet des vagues de défaillance d’entreprise.

Le bilan fonctionnel décrit l’équilibre financier suivant :

Fonds de roulement (FR) – Besoin en fonds de roulement (BFR) = Trésorerie nette (TN)

La position de trésorerie nette se détermine de deux façons différentes :

FR – BFR = TN

Ou Trésorerie active – Trésorerie passive

La formule de l’équilibre financier montre clairement que la position de trésorerie nette constitue la résultante des deux agrégats précédents : la position de trésorerie est la résultante de l’ensemble des flux de trésorerie.

Les crises de trésorerie peuvent également se diagnostiquer à partir du tableau de flux de trésorerie dans la mesure où ce tableau fait apparaître la variation du BFR.

Détection et résolution des crises de trésorerie (1)

Parmi les 5 crises de trésorerie, deux d’entre elles trouvent leur origine dans la dégradation du fonds de roulement : la perte de profitabilité et l’erreur de financement, que nous abordons dans ce billet.

Perte de profitabilité

Dans ce scénario, la dégradation de la trésorerie provient d’un résultat net négatif qui diminue les capitaux propres et par conséquent les capitaux permanents et le fonds de roulement. Un résultat net négatif signifie que les charges de la période ont été supérieures aux revenus (produits comptables). En conséquent, au bilan, les décaissements relatifs aux charges sont probablement plus élevés que les encaissements relatifs aux revenus.

L’analyse des équilibres financiers permet de repérer que la dégradation de trésorerie provient de pertes comptables. C’est toutefois l’étape précédente de la démarche d’analyse, l’analyse de la profitabilité, qui permet de diagnostiquer l’origine de ces pertes.

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Remèdes

Bien évidemment, il convient de comprendre l’origine des pertes au compte de résultat et d’essayer d’y remédier. La perte de profitabilité est probablement le plus souvent la cause de dégradation de la trésorerie la plus délicate à résoudre. Les pertes sont parfois dues à des événements exceptionnels n’ayant pas vocation à se renouveler. Dans d’autres situations, des mesures d’économie ou de rationalisation, de modification du modèle économique suffisent à revenir aux bénéfices. A l’inverse, dans d’autres circonstances, le fondement même de la compétitivité et les chances de survie de l’entreprise sont compromis.

Lorsque les capitaux propres et le fonds de roulement ont été trop fortement dégradés par les pertes, il convient de demander aux actionnaires de réaliser des apports supplémentaires sous forme d’apport en capital (recapitalisation) ou, momentanément, de comptes courant d’associés (les comptes courants d’associés étant souvent reclassés en capitaux propres dans le bilan d’analyse financière). Le diagnostic de l’origine des pertes, la définition et un début de mise en œuvre d’un plan d’actions de retour aux bénéfices sont de nature à gagner la confiance des actionnaires existants ou de nouveaux investisseurs.

Erreur de financement

La dégradation de trésorerie trouve son origine dans des choix de financement conduisant à une insuffisance de capitaux permanents ; on peut distinguer trois erreurs distinctes : un autofinancement excessif, une durée de remboursement des emprunts à MLT trop courte, et une distribution excessive de dividendes.

Détection et résolution des crises de trésorerie (1)

Un autofinancement excessif

Le directeur financier autofinance l’acquisition d’immobilisations pensant que la capacité d’autofinancement sera suffisante pour absorber les décaissements relatifs à l’investissement. Dans la réalité, une capacité d’autofinancement inférieure à celle prévue au business plan dégrade la position de trésorerie.

De façon curative, le directeur financier peut premièrement, négocier à postériori la transformation du découvert en prêt à MT (consolider le découvert en prêt à MT). Cette opération est l’occasion pour la banque d’obtenir une garantie sur le bien financé qu’elle n’avait pas lorsque qu’elle prêtait à CT.

Il peut également financer un actif à postériori par « lease-back ». Cette opération consiste à céder une immobilisation à un établissement de crédit pour en devenir locataire dans le cadre d’une opération de crédit-bail. A la cession, l’entreprise améliore sa position de trésorerie. A l’issue du financement, elle peut redevenir propriétaire en exerçant son option d’achat.

De façon préventive, le directeur financier finance de façon assez systématique les investissements par des financements à MLT de façon à renforcer le FR et préserver la trésorerie. Il est évidemment plus aisé de négocier les financements lorsque la situation de l’entreprise est favorable que de renégocier un emprunt en situation de crise. Il concourt ainsi à une de ses missions qui est d’assurer la pérennité à MLT de l’entreprise.  Il actualise en permanence sa vision du FR prévisionnel et du plan de financement à MLT qui constitue l’outil central de la prévision financière à MLT.

Durée de remboursement d’un emprunt à MLT trop courte par rapport à la profitabilité de l’entreprise

Illustration : une entreprise de transformation de matières premières doit réaliser des investissements extrêmement élevés pour assurer son activité. Durant plusieurs années de profitabilité élevée, le directeur financier finançait l’acquisition de matériel de production ayant une durée de vie utile de 15 ans par des emprunts remboursés sur 5 ans : la capacité d’autofinancement (CAF) élevée permettait un remboursement rapide. Plus tard, il continuait à se financer de cette façon alors que la profitabilité avait diminué de façon significative en raison d’une concurrence plus forte. La CAF était devenue insuffisante pour assurer un remboursement sur 5 ans et par conséquent la trésorerie se dégrada. A partir de cette prise de conscience, il souscrit ses nouveaux emprunts sur des durées plus longues, en rapport avec la durée de vie économique des immobilisations et renégocia également à la hausse la durée résiduelle des emprunts en cours.

Distribution excessive de dividendes

Des distributions de dividendes élevées dégradent les capitaux propres et le FR. Cette situation est susceptible de survenir notamment dans le cadre d’une acquisition d’entreprise avec un fort effet de levier (LBO pour leveraged buy out). Les investisseurs privilégient la remontée de dividendes de la société cible vers la holding d’acquisition pour y rembourser la dette d’acquisition.

La technique du « debt push down » consiste à faire souscrire par la société cible un emprunt à MT lui permettant de verser à la société holding un dividende exceptionnel. En 2015, PICARD Surgelés a emprunté 750 millions d’emprunts à MT pour verser à son actionnaire, le fonds d’investissement Lion Capital, un dividende exceptionnel de 602 millions d’euros issu de réserves de montant élevé et représentant 4,5 fois son bénéfice annuel.

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