Améliorer son résultat grâce à sa propre insolvabilité

Bruno BachyManager Offre et Expertise Finance - Gestion - Comptabilité

    Ce titre peut paraître un peu provocant mais il correspond néanmoins à un traitement comptable contre intuitif qu'impose la norme IAS 39 aujourd'hui.

    Pour comprendre le mécanisme, prenons un exemple issu d'un groupe automobile français. Le groupe Renault a émis durant les années 80 des titres participatifs qui sont des titres perpétuels subordonnés. Ces titres offrent une rémunération fixe égale à 6,75% et une partie variable en fonction de l'évolution du chiffre d'affaires consolidé. Cette dernière clause de rémunération constitue un dérivé incorporé, un dérivé peut ne pas faire l’objet d’un contrat propre et être intégré dans un contrat plus large appelé contrat hôte. En effet cette clause de rémunération répond aux trois caractéristiques d'un dérivé:

    • Fluctuation de la valeur en fonction de l'évolution d'une variable spécifique que l’on appelle sous jacent: le chiffre d'affaires de Renault
    • Investissement initial net nul ou faible
    • Règlement à une date future (plusieurs dates de dénouement à chaque échéance de paiement).

    La norme IAS 39 impose une comptabilisation séparée du dérivé incorporé dans la mesure où les trois conditions suivantes sont satisfaites:

    • L’élément incorporé répond à la définition d’un dérivé (sous-jacent, investissement initial nul ou faible, une ou plusieurs échéances).
    • Le dérivé incorporé et le contrat hôte ont des caractéristiques économiques et des risques qui ne sont pas étroitement liés. S’ils sont étroitement liés, la séparation est interdite. Dans notre cas les caractéristiques ne sont pas étroitement liées.
    • L’instrument hybride (et/ou le contrat hôte) n’est pas évalué en juste valeur avec comptabilisation des variations en résultat. Une dette est normalement inscrite en autre passif et valorisée au coût amorti au bilan.

    La valorisation  séparée de ce dérivé incorporé (clause d'indexation sur le chiffre d'affaires) n'a pas été possible. Pour cette raison, Renault a été contraint d'exercer l'option juste valeur et de comptabiliser l’intégralité du titre participatif à la juste valeur par le compte de résultat.

    Conséquences comptables

    Les variations de juste valeur du titre participatif sont donc en normes IFRS incluses dans le compte de résultat du groupe Renault.

    La cotation du titre participatif évolue en fonction de deux paramètres essentiels: le niveau des taux d'intérêts et le risque crédit propre de l'émetteur.

    Si l'on pousse le raisonnement, plus l’émetteur présente un risque d'insolvabilité, plus la valeur de marché du titre participatif diminue au passif du bilan donc plus le résultat augmente. L'émetteur augmente donc son résultat lorsque son risque d'insolvabilité augmente !

    Au moment de la crise de 2008, où le marché s'est inquiété sur la solvabilité du secteur automobile, la baisse importante du cours du titre participatif a conduit Renault à dégager un résultat positif significatif en raison de la variation de juste valeur négative de ce passif.

    La norme IFRS 9 corrige cette anomalie puisqu'elle impose pour les passifs financiers inscrits en option en juste valeur par le résultat l'obligation de transférer les variations de juste valeur liées au risque crédit propre de l'émetteur en capitaux propres, c'est à dire dans les autres éléments du résultat global sans possibilité de recyclage en résultat.

    En conclusion, on voit bien la difficulté de la traduction économique et comptable de la juste valeur qui peut conduire parfois à des conséquences surprenantes sur les états financiers.

    Ecrit par

    Bruno Bachy

    Après plus de 15 ans d’expérience opérationnelle en audit et direction financière, Bruno Bachy est à présent manager, responsable de nos offres formation dans les domaines de la comptabilité et de la fiscalité.Ses responsabilités le positionnent au centre des évolutions des métiers de la comptabilité.
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