La valorisation des entreprises naissantes 2/3

Patrick DaguetDirecteur du Programme Executive Mastère spécialisé Direction financière IÉSEG

Après avoir exploré la méthode des flux futurs actualisés et la First Chicago method dans un premier article, nous allons explorer la méthode des multiples des venture capitalists dans ce second volet.

La méthode des multiples, ou des comparables

I/ Les fondements de la méthode des comparables

Cette méthode est nommée ainsi car elle est basée sur l'observation de sociétés cotées en bourse qui sont comparables avec la start-up. Ses principales caractéristiques sont :

  • Comparer son entreprise à ses pairs cotées est sa mission première.
  • Une calibration est réalisée sur des unités de mesure de revenus ou de profitabilité (EBE, Rex, niveau des ventes) et appliquée à la valeur d’entreprise (EV/EBITDA). On rencontre aussi des mesures réalisées au travers du PER (PE/Equity).

II/ Le périmètre de la méthode

Les limites de l’application de cette méthode aux start-up sont cependant très nombreuses et en pratique doivent conduire le praticien à la regarder avec beaucoup de prudence. Les conditions ne sont que très rarement réunies. En effet, le comparé et les comparables doivent idéalement :

  • Avoir le même taux de croissance du chiffre d’affaires – cela est impossible car la start-up a souvent une croissance à 2 chiffres ;
  • Avoir des besoins d’investissement comparables – la start-up a des besoins d’investissement très élevés et probablement peu comparables aux sociétés cotées établies auxquelles elle est comparée (voir le ratio Rex/Investissement +BFRE) ;
  • Être exposé aux mêmes risques (notamment vis à vis de leur marché) – les risques de la start-up sont très élevés puisqu'elle est en phase d’acquisition de son marché ;
  • Avoir une structure de capital similaire – comment comparer des sociétés établies qui ont souvent une part (non négligeable parfois) de dette dans leur bilan avec des start-up qui en ont peu ou pas ?
  • Être profitable (au sens comptable du terme cela signifie avoir un résultat net positif : souvent cette condition n’est pas réunie avant 5 ans en ce qui concerne les start-up) ;

Dès lors, le lecteur aura deviné que le rédacteur de cet article ne met pas cette méthode au rang de celles qu’il convient absolument d’appliquer aux sociétés naissantes et ce malgré son caractère pratique, simple et rapide de mise en œuvre.

La méthode du Venture Capital

Cette approche est probablement la plus pragmatique de toutes et a été mise en œuvre par les praticiens du venture capital depuis longtemps. Pour évaluer une start-up, une méthode existe. Ce procédé, hybride, est basé sur une méthode des multiples complétée par une approche de négociation sur le niveau de prix. C’est sur ce second aspect que nous allons insister ici.

I/ La négociation du prix

Son principe repose sur une vision très pragmatique ; elle vise à encadrer le prix payé pour une participation dans une start-up lors d'un tour de table de financement. L’investisseur triangularise ce prix en l’articulant de la façon suivante :

  • Un prix plafond (« walk away price ») correspondant à la vision la plus optimiste de la valorisation de la société à horizon, en clair le maximum qu’il serait prêt à y investir ;
  • Un tarif plancher correspondant au prix minimum moyen que les investisseurs concurrents seraient disposés à y investir ;
  • Un prix probable se situant entre ces deux bornes.

II/ Les limites de cette méthode

Les limites de l’application de cette méthode aux start-up sont pourtant importantes :

  • Cette approche repose beaucoup sur la subjectivité ;
  • La valorisation en résultant peut s’écarter sensiblement de la réalité. Du fait du caractère très sommaire de l’analyse, et des ajustements réalisés sur le cas de base, la valorisation qui en résulte est très souvent bien au-dessus de ce qu’elle devrait être en réalité. Ceci peut créer des tensions ultérieures et conduire à la dilution des fondateurs ;
  • Les taux d’actualisation sont utilisés principalement comme facteur d’ajustement des flux alors qu’une revue rigoureuse des flux s’imposerait.
  • Les taux d’actualisation utilisés sont par ailleurs très éloignés des taux de retour sur investissement obtenus par les Venture Capitalists. Par conséquent, ils sont irréalistes. Les tableaux suivants montrent bien cette situation : ces chiffres sont mesurés avant la crise financière et on y constate une forte disparité entre les attentes (reflétées au travers des taux d’actualisation pratiqués en fonction de la phase de développement de la start-up) et la réalité où les taux finalement obtenus sont entre 3 et 4 fois inférieurs aux taux d’actualisation.
  • Cette situation devrait conduire à une réflexion d’ensemble sur le taux d’actualisation à pratiquer pour les start-up dans le processus de mesure du risque. Ce taux est censé couvrir le risque d’un projet quel qu’il soit (et on peut considérer qu’en tant que tel, l’investissement dans une start-up est un projet). Dès lors, on doit y intégrer les composants habituels que nous connaissons (taux sans risque, prime de risque et béta) et y ajouter une estimation de la majoration nécessaire pour faire face au risque de sinistralité élevée qui est le quotidien des sociétés naissantes. Cela doit nous conduire à pratiquer un taux sensiblement plus élevé que celui applicable aux flux d’un projet entrepris par une société établie ou aux flux de cette société. Pour autant, utiliser des taux qui relèvent plus d’une approche forfaitaire que d’une réelle construction est inadéquat.

Dans une dernière partie, nous allons étudier la valorisation des sociétés naissantes sous l’angle des options réelles, approche novatrice mais particulièrement bien adaptée aux start-up.

Article rédigé par Patrick Daguet, Directeur académique de l’Exécutive Mastère Spécialisé® Direction Financière de l’IÉSEG et Cegos.

Ecrit par

Patrick Daguet

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