Exploiter les critères de rentabilité 2/2

Michel SionManager Offre et Expertise Finance Cegos

Investir consiste à réaliser des décaissements initiaux dans le but de générer des revenus futurs permettant de récupérer la mise de fonds de départ et générer un excédent de trésorerie. La prise de décision s'étudie dans le cadre d'un business plan ou d'une simple étude de rentabilité économique. Tous les managers engageant des investissements ainsi que les financiers se doivent de maîtriser les critères de rentabilité couramment utilisés : délai de récupération, valeur actualisée nette, taux de rentabilité interne, indice de profitabilité.

La Valeur Actualisée Nette (VAN)

La valeur actuelle nette est égale au cumul des FTD du projet actualisés au taux de rendement exigé par l’investisseur.

La valeur d’un titre de dette sur les marchés financiers est la valeur actuelle de ses flux futurs actualisés au taux du marché. La valeur actualisée nette d’un projet est égale à la valeur actuelle de ses flux futurs nets de l’investissement initial.

Le projet est considéré financièrement intéressant pour l’entreprise à partir du moment où la Van est au moins égale à zéro. Ainsi, une Van de 0 calculée à partir de flux actualisés au taux de 10% signifie que la rentabilité du projet est de 10%, pile le rendement attendu par les investisseurs !

Le critère de la Van constitue plus qu’un indicateur de rentabilité, il mesure la « création de valeur actionnariale » : un projet ou une activité créent de la valeur lorsque leur rentabilité économique est supérieure à l’attente de rendement des investisseurs. Dans l’exemple ci-dessous, les flux sont actualisés au taux de 10%, ce qui reflète l’attente de rendement des investisseurs. La Van positive de 237 représente le montant de richesse créé par le projet au-delà des 10% demandés par les investisseurs. Cette création de valeur bénéficie évidemment aux actionnaires et non aux banquiers dont la rémunération ne varie pas en fonction de la rentabilité des projets qu’ils financent.

La Van est le critère par excellence, l’objectif de toute décision d’investissement, industriel ou financier, étant de maximiser la création de richesse.

La Van dépend des flux futurs et également du taux d’actualisation, celui-ci étant défini par les investisseurs en fonction de leur perception du risque : au plus le projet est considéré comme étant risqué, au plus les investisseurs exigeront un rendement élevé. Le risque financier du projet se définit comme la probabilité de fluctuation des flux futurs quel qu’en soit la raison :

  • Le montant de l’investissement initial non maîtrisé, par exemple le coût du forage du tunnel sous la manche ;
  • Les risques marché : taille du marché, concurrence, prix de marché,.. ;
  • Les risques financiers : risque de change ;
  • Le risque réglementaire ;
  • Le risque technique lié à une technologie non encore éprouvée...

L’augmentation du taux d’actualisation diminue la valeur actuelle des flux futurs et donc la Van. Le même projet peut donc présenter une Van différente en fonction de la perception du risque et des objectifs de rentabilité des investisseurs.

Pour la sélection de leurs projets internes, certaines entreprises définissent des taux d’actualisation « différenciés » selon les niveaux de risque spécifiques à chaque projet. Cette pratique assez peu utilisée par les entreprises est cependant pleinement justifiée au plan financier : l'attente de rendement sur un projet est directement liée au niveau de risque estimé.

Le tableau ci-dessous retrace les trois taux d’actualisation utilisés par une entreprise en fonction du risque projet. Lorsqu'ils préconisent un taux d'actualisation correspondant  à un niveau de risque moyen ou faible, les responsables de projet doivent pouvoir le justifier.

Pour des projets à durée définie, la Van est en principe calculée sur la durée totale de ce projet. Toutefois, pour des projets de durée longue, des entreprises se limitent à la calculer sur un horizon borné. Ainsi, une industrie chimique qui exploite des unités de production d’une durée habituelle de 15 années se fixe pour objectif une Van positive dès la septième année, cet objectif s’étant révélé atteignable sur des projets similaires menés dans le passé.

Le critère de la Van est également utilisé dans l’évaluation d’entreprise dans le cadre de la méthode des « discounted cash flows » (DCF). La valeur de l’entreprise repose sur les FTD actualisés au taux de rendement souhaité par les investisseurs valorisés sur la base du business plan. Avec cette méthode, la valeur de l’entreprise repose sur son futur. La Van représente le prix que les investisseurs accepteront de payer pour prendre le contrôle de l’entreprise et avoir le droit d’en percevoir les flux de trésorerie.

La Van comporte toutefois une limite : elle ne permet pas de comparer directement des projets avec un montant d’investissement significativement différent. Il convient alors d’utiliser l’indice de profitabilité qui rapporte la Van du projet au montant de l’investissement initial.

Le Taux de Rentabilité Interne (TRI)

Le taux de rentabilité interne est le taux d’actualisation qui rend la Van égale à zéro. Il représente le taux de rendement annuel du projet. Il est appelé « interne » car calculé uniquement à partir des données internes au projet, il ne contient aucune donnée exogène au projet (au contraire de la Van qui dépend du taux d’actualisation). Un Tri de 12% sur un projet de 5 ans signifie que les capitaux engagés génèrent une rentabilité de 12% chaque année pendant 5 ans, ce qui ne signifie évidemment pas que l’investisseur encaisse chaque année ces 12%. Sur tableur, la fonction Tri effectue un calcul « itératif » ou par tâtonnements successifs pour le déterminer (voir illustration ci-dessous).

Un projet est financièrement intéressant dès lors que son Tri est au moins égal à l’attente de rendement des investisseurs, tel qu’il est reflété dans le taux d’actualisation utilisé pour calculer la Van. En ce sens, la Van et le Tri ne peuvent se contredire pour l’analyse d’un projet.

Le critère du Tri est privilégié dans un contexte «d’absence de limitation en capital », par exemple, pour négocier un contrat commercial nécessitant pour le fournisseur un investissement initial et générant des revenus pluriannuels. Ainsi, pour fabriquer une nouvelle pièce mécanique pour un constructeur automobile, l’équipementier finance préalablement des coûts de développements, la réalisation d’un prototype, l’investissement dans une chaîne de production dédiée. Il prévoit de récupérer le coût de cet investissement sur le prix de vente des pièces sur plusieurs années. Par rapport à un volume d’achat négocié, le Tri « exigé » lui permet de déterminer le prix de vente permettant d’obtenir cette rentabilité (la formule sur le tableur excel « valeur cible » permet de réaliser cette simulation).

L’Indice de Profitabilité (IP)

Le schéma ci-dessous indique qu’il ne serait pas pertinent de comparer la Van des projets A et B compte tenu de la différence des montants investis. Certes, le projet A a une Van supérieure à celle du projet B, toutefois, le projet B nécessite un investissement bien moindre. L’indice de profitabilité consiste à ramener la Van du projet à son investissement. Si le projet A a une Van supérieure à celle du projet B, le projet B sera probablement retenu compte tenu du rapport entre la Van et l’investissement.

Lorsque les flux d’investissements interviennent sur plusieurs années (investissement initial s’étalant sur plusieurs années, investissement de capacité ou de renouvellement en cours de vie du projet), le calcul de l’Ip est le suivant :

Ip =VAN ∑ FTI actualisés

Comment exploiter le critère de l’Ip ?

Se confronter à une « norme maison ». L’Ip d’un projet est confronté à une norme maison, définie empiriquement par rapport à des projets passés normalement rentables. Cet indice spécifique à l’entreprise se situe généralement entre 12 et 15%. Rien n’empêche de comparer l’Ip de projets dont la Van a été calculée à partir de taux d’actualisation différents.

L’indice de profitabilité permet d’optimiser l’exploitation d’un budget d’investissement ne permettant pas de financer l’ensemble des projets à priori rentables.

L’illustration ci-dessous nous montre que le budget d’investissement de 28 000 ne peut financer tous les projets à Van positive qui se montent à 53 000. La problématique consiste alors à sélectionner le portefeuille de projets procurant la Van la plus élevée. Les projets sont classés par indice de profitabilité décroissants et les montants d’investissement sont cumulés jusqu’à l’utilisation complète de l’enveloppe d’investissement, soit du projet C au projet F dans l’exemple ci-dessous.

Le Creux de Trésorerie Maximum (CTM)

Un projet peut être rentable mais difficilement finançable en raison de l’importance de l’investissement que requièrent les CTM.

La courbe représentant le cumul des flux de trésorerie disponibles actualisés fait apparaître le creux de trésorerie maximum. Ce critère a une signification très concrète, il constitue un véritable besoin de financement pour lequel l’entreprise devra trouver les ressources. Le CTM constitue plus un critère de rejet que d’adoption car il ne renseigne pas sur la rentabilité du projet.

Illustration : lors des négociations commerciales, un équipementier aéronautique négocie avec son client le co-financement des coûts de développement lorsque le creux de trésorerie descend en dessous d’un certain niveau.

Lire aussi : Exploiter les critères de rentabilité d’investissement 1/2

Ecrit par

Michel Sion

Spécialisé dans la finance d'entreprise, Michel Sion est responsable des offres de formation Trésorerie, Finance, Gestion et Comptabilité pour non spécialistes et Risque client.
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