Détection et résolution des crises de trésorerie (2)

Par le 18 mai 2017

Détecter et résoudre ainsi que prévenir les crises de trésorerie constitue une priorité pour le directeur financier dont une des missions consiste à assurer la pérennité à moyen et long terme de l’entreprise. Il en détecte la dégradation à partir de l’analyse financière des comptes annuels et intermédiaires, du reporting sur la position de trésorerie. Nous avons passé en revue dans la première partie de ce billet les deux crises de trésorerie issues de la baisse du fonds de roulement : la perte de profitabilité et l’erreur de financement. Nous nous intéressons maintenant aux crises de trésorerie issues de la dégradation du BFR.

Trois scénarios de dégradation de la trésorerie résultent d’une augmentation du besoin en fonds de roulement (BFR).

La crise de croissance

Le besoin de financement du cycle d’exploitation augmente à priori au même rythme que le chiffre d’affaires même si à court terme, un redémarrage des ventes peut permettre une baisse des stocks temporairement gonflés par une sous-activité commerciale. Vis-à-vis du BFR, le directeur financier a une double mission :

  • financer sa croissance ;
  • identifier les pistes d’action pour mieux le gérer.

Le processus de « fuite en avant » décrit le processus de dégradation de la trésorerie résultant d’une croissance importante sans marge : Le besoin de trésorerie d’exploitation augmente en raison de l’activité tandis que le FR stagne en raison de la faiblesse des résultats, sans compter les investissements en immobilisation nécessaires pour accompagner cette croissance de l’activité.

Les fournisseurs et les banquiers n’augmentent pas nécessairement leurs limites de crédit constatant que cette croissance non profitable et mal financée aggrave le risque de défaillance.

En période de forte croissance, la probabilité augmente également que les services de l’entreprise soient désorganisés et que les stocks et le crédit client soient moins bien gérés (crise de gestion, infra).

Détection et résolution des crises de trésorerie (2)

Les remèdes :

1/ Financer la croissance en augmentant les ressources stables

Financer une part substantielle du BFR par des ressources stables contribue à la pérennité de l’entreprise, sachant que les lignes de crédits de trésorerie peuvent être dénoncées par les banques sous respect d’un préavis très court, de 60 jours. Peu utilisé par les banques, le ratio de couverture du BFR par le FR guide le directeur financier dans ses décisions financières notamment lorsqu’il ajuste sa prévision financière à MLT.

Par rapport à un objectif de financement du BFR par le FR à hauteur de 50%, il veille à augmenter les ressources stables en période de croissance de l’activité : apports d’actionnaires, réduction des dividendes, financement des investissements par emprunt à MLT ou financement d’actif.

Détection et résolution des crises de trésorerie (2)

2/ Suggérer un changement de politique commerciale

En matière de politique commerciale, le directeur commercial se voit attribuer des objectifs privilégiant soit l’amélioration de la marge soit la croissance des ventes et la prise de part de marché. Le choix de privilégier soit la marge soit la croissance a des incidences sur les équilibres financiers.

Privilégier davantage la marge contribue doublement à l’amélioration de la trésorerie : le FR s’améliore grâce au résultat tandis le BFR augmente dans une moindre mesure en raison d’une croissance maîtrisée. L’entreprise mettra en œuvre cette politique en ne répondant par exemple qu’aux appels d’offre garantissant un taux de marge minimum, en limitant les remises, consciente que la croissance des ventes ne constitue pas une fin en soi.

3/ Se tourner vers l’affacturage

L’affacturage consiste à se financer à court terme en cédant en garantie ses créances clients à un établissement financier spécialisé, le factor. Par rapport aux crédits de trésorerie bancaires, l’affacturage offre une particularité qui peut être particulièrement avantageuse pour les entreprises en forte croissance.

Pour les crédits à CT, les banques déterminent à partir de l’analyse du risque de crédit, une limite de crédit qu’elles n’augmenteront pas nécessairement en cas de croissance de l’activité. Le factor, quant à lui, ne détermine pas un plafond de crédit global sur l’emprunteur mais plutôt sur chacun des débiteurs cédés par rapport à l’analyse de risque de chacun d’eux. Une entreprise ayant une clientèle solvable et suffisamment diversifiée disposera par conséquent auprès du factor d’une réserve de financement probablement supérieure aux limites de crédit bancaires classiques.

La crise de gestion du BFR

Comme l’indique le schéma ci-dessous, ce scénario de crise se détecte par le fait que le BFR augmente plus vite que les ventes. Le BFR exprimé en jours de ventes HT augmente. Il convient ensuite de détecter le ou les ratios du BFR qui se dégradent : clients, stocks, fournisseurs, taux d’acompte (acomptes reçus / encours de production et stocks).

 

Détection et résolution des crises de trésorerie (2)

Les remèdes :

Les actions opérationnelles menées sur le BFR constituent une des composantes de la culture cash qui vise à maximiser le flux de trésorerie généré par l’exploitation. A court terme, des actions ponctuelles permettent de redresser une situation marquée par un manque de gestion plus ou moins prolongé. Lorsqu’un portefeuille de créances n’a pas été relancé depuis plusieurs mois, l’opération « coup de poing sur la balance âgée » consiste à mobiliser une équipe sur une durée d’une semaine à un mois pour remettre celle-ci à flot : obtention de paiements, passage en pertes, fourniture de duplicatas des factures égarées par le client,… Une action similaire peut-être menée sur les stocks : rangement, mises au rebut,…

Au-delà, la mise en place d’une procédure de relance amiable, le suivi d’indicateurs de gestion du poste client dans un tableau de bord de gestion contribuent à pérenniser la culture cash. En pratique, la crise de gestion survient souvent concomitamment à la crise de croissance.

La réduction conjoncturelle d’activité

La baisse non anticipée des ventes peut entraîner une dégradation conjoncturelle du BFR, du moins dans les activités industrielles et de distribution : les ventes diminuent, la production demeure au même niveau, par conséquent les stocks augmentent. En outre, la baisse des ventes peut entraîner des pertes dans la mesure où les charges de structure ne sont plus intégralement couvertes.

 

Détection et résolution des crises de trésorerie (2)

Les remèdes :

Pour récupérer de la trésorerie, l’entreprise agira à la fois en réduisant la production, en recourant si nécessaire au chômage technique et en augmentant son effort commercial pour écouler le surstock.

Illustration

Suite à la crise économique de 2008, le groupe Manitou voit ses ventes diminuer de 35%, une part importante de ses ventes étant réalisée avec des loueurs de matériel de BTP. Suite à dix années de croissance, ces loueurs ayant massivement investi, ont ensuite réduit d’autant plus brutalement leurs commandes de matériel.

Les conséquences de cette réduction d’activité sur la trésorerie du groupe ont été d’autant plus importantes que le BFR représente environ 90 jours de chiffre d’affaires HT. Le groupe est parvenu à absorber cette crise de trésorerie, notamment grâce à des capitaux propres élevés représentant 50% du passif consolidé.

Retrouver la première partie de ce billet ici.

 

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