L'art et la manière de transposer les modèles de finance de marché dans le référentiel Full IFRS

Pascal Kerebel

Le référentiel Full IFRS applicable aux groupes cotés de l’UE ou aux groupes familiaux sur option, est une véritable construction intellectuelle qui transpose au sein d’un système comptable l’ensemble des hypothèses relatives aux modèles de finance de marché développés au XXe siècle (théorie de l’agence, théorie de l’efficience des marchés de Markowitz, modèle de Bates, Modèle d’équilibre des actifs financiers, droite de marché, etc.).

L'art et la manière de transposer les modèles de finance de marché dans le référentiel Full IFRS

Ces modèles, dont les fondamentaux ont été ébranlés lors de la crise financière de 2008, ont été déclinés dans le cadre conceptuel IFRS et via un certain nombre de normes sur lesquelles nous allons nous focaliser.

IFRS 9 – IAS 39 Instruments financiers et produits dérivés et théorie d’efficience des marchés

Le principe d’efficience des marchés est explicite dans la norme IAS 39, entre autres en ce qui concerne les titres disponibles à la vente (participations inférieures à 19%).

Si le marché est actif (le cours reflète alors la valeur de la société), alors la fair value est égale au cours de clôture et la plus ou moins-value latente est comptabilisée en comprehensive income via le modèle marked to marked.

Dans le cas d’un marché inefficient, ou en l’absence de marché, la juste de valeur de l’AFS est basée sur un modèle interne (marked to model) valorisant la somme actualisée des dividendes intégrant le calcul d’une valeur terminale (formule de Gordon et Shapiro).

IAS 36 et IFRS 3 tests de perte de valeur sur le Goodwill et les unités génératrices de trésorerie

De même, dans l’hypothèse d’un test de perte de valeur associée au Goodwill ou par UGT, Unité Génératrice de Trésorerie (vérification des hypothèses du business plan de la société acquise ou vérification de la transformation effective des projets d’innovation en terme de cash in), le modèle appliqué est la somme actualisée des free cashflows en intégrant une valeur terminale.

Pour rappel, le calcul de la valeur terminale est entre autre basé sur la détermination du WACC (Weighted Average Cost of Capital), étant lui-même la transposition du modèle d’équilibre des actifs financiers (Capital Pricing Market Model) et de sa transposition sur le marché action (Modèle de la droite de marché).

Cela fait beaucoup d’hypothèses sur hypothèses… alors que le principe de la production des comptes est de s’assurer de la sincérité des comptes associé à un principe de prudence.

IFRS 13 modalités d’estimation de la juste valeur et efficience des marchés

L’IASB (International Accounting Standard Board), produisant les normes IFRS, s’est rapidement rendu compte de la difficultés des entreprises à estimer la juste valeur sans donner un mode d’emploi explicite. Il a ainsi défini 3 niveaux d’informations (primaire, secondaire et tertiaire) en vue d’estimer la fair value, en transposant de nouveau les modèles de finance de marché.

L’information primaire retient le prix du marché si ce dernier est efficient. L’information secondaire résonne par analogie soit par méthode des comparables et des multiples. L’information tertiaire, faute d’avoir un référentiel de marché, est basée sur des modèles internes du type DCF (Discounted Cashflows), déclinant les free cashflows, les KPI (Key Performance Indicator) clé de la création de valeur actionnariale !

IAS 39 instruments financiers et primauté du marché sur le contrat

Enfin la norme IAS 39, en ce qui concerne par exemple, la comptabilisation des emprunts obligataires, postule que la juste valeur de la dette à la date d’émission de l’emprunt, donne une primauté du marché sur le contrat. La comptabilisation d’une prime ou d’une décote, matérialise ce postulat, en comptabilisant le différentiel de rendement offert à l’investisseur (écart entre le taux du marché et de taux facial proposé par l’entreprise).

Le danger de l’intégration de ces modèles de finance de marché dans le référentiel IFRS a été clairement perçu lors de la crise financière de 2008 au sein de l’Union Européenne. IFRS n’a pas créé la crise financière, mais l’a amplifié en créant une très forte volatilité des fonds propres via le principe de primauté du marché (les plus-values latentes se sont transformées en moins-values latentes, entre autres, sur les titres disponibles à la vente avec un impact substantiel sur les fonds propres).

D’autre part le référentiel IFRS, basé sur des modèles de mathématiques financières ou des modèles actuariels, est excessivement complexe tant dans sa compréhension intellectuelle et dans ses modalités de déploiement. Cela explique la prudence des États à transposer ce modèle au sein du tissu des MEI et PME.

Il faut donc espérer que les évolutions du référentiel IFRS, entre autre les changements impactant l’évaluation des instruments financiers (IFRS 9) atténueront l’impact de la volatilité des marchés si une nouvelle crise financière se présentait dans les années à venir, et que le principe de prudence retrouve toute sa place au sein du cadre conceptuel de ce référentiel.

 

crédit photo : normes ifrs, © Shutterstock

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Pascal Kerebel

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