Vaincre les résistances des opérationnels lors d'une prise de fonction

Caroline SelmerManager Offre et Expertise Contrôle de gestion Cegos

Retour d'expérience d'un contrôleur de gestion. Avec le recul, nous avons tous regretté de manquer de clés dans notre vie professionnelle, ce qui nous aurait permis de gagner du temps ou de sortir de situations compliquées. Partager un retour d’expérience sur la pratique de son métier, peut aider à acquérir des réflexes, à éviter de tomber dans les pièges, et à adopter la bonne posture.

Vaincre les résistances des opérationnels lors d'une prise de fonction

© Shutterstock

La prise de fonction du contrôleur de gestion

Au sein de la BU ingénierie d’un groupe industriel, un contrôleur de gestion vient d’arriver. Son poste est rattaché à la fois au directeur opérationnel de la BU et au directeur du contrôle de gestion central.

Il découvre assez vite, qu’il existe un contentieux lourd entre ces deux directeurs, et qu’il succède à un contrôleur de gestion écarté par le directeur opérationnel contre l’avis du directeur du contrôle de gestion.

Première mission

Sa première mission a consisté à élaborer le budget de la BU avec les responsables de projet et le directeur opérationnel. Celui-ci est ressorti 5M€ au-dessus du cadrage budgétaire donné par la direction générale. Ne souhaitant pas reprendre la méthode de son prédécesseur, qui se contentait d’indiquer l’écart en réserve négative sans la décliner par service, le contrôleur de gestion décide d’organiser une réunion de « convergence du budget à la cible » avec tous les chefs de service et le directeur opérationnel.

Première déconvenue

  • Le directeur opérationnel ne vient pas à la réunion, et il n’en ressort rien de concret
  • Le contrôleur de gestion ne peut pas répartir seul l’écart budgétaire car il n’existe pas d’outil permettant de dimensionner les besoins en effectif par service, le plus gros poste du budget

Premiers échanges

Après échange, le directeur opérationnel, comprenant l’intérêt d’un tel outil, a demandé à ses chefs de service de travailler avec le contrôleur de gestion pour le construire. Il s’agissait de décomposer les projets par fonction, puis d’identifier les besoins en ETP de chaque fonction.

Le contrôleur de gestion a fait le tour des services pour récupérer les données existantes et les méthodes utilisées par chacun. La plupart des chefs de service ont joué le jeu car cela avait été présenté comme prioritaire par le directeur opérationnel.

Deuxième déconvenue

  • un chef de service, leader d’opinion, fait de la résistance pour collaborer

Soutenu par le directeur opérationnel, le contrôleur de gestion a décidé de monter l’outil de dimensionnement des effectifs avec ce chef de service, dont le rôle était crucial. Le contrôleur de gestion s’est mis à son écoute, a complété et harmonisé les pratiques. Il a préparé la présentation du projet que le chef de service a réalisé, afin qu’il en tire les honneurs.

Le contrôleur de gestion, l’ayant acquis à sa cause, il a cru qu’il allait enfin y voir clair. En effet, cet outil est devenu une base de travail qui permettait de chiffrer rapidement les prévisions en effectifs, d’estimer le dimensionnement des nouveaux projets, d’évaluer la productivité et les charges à immobiliser.

La profitabilité de la BU dépendait en partie du taux de « réutilisation des études ». Une personne de l’équipe, réputée « expert », indiquait un pourcentage à utiliser pour les prévisions. Le contrôleur de gestion n’a pas réussi à valider cette information car les autres ne savaient pas.

Troisième déconvenue

  • dans des circonstances tout à fait inattendues, l’expert a fini par avouer au contrôleur de gestion, qu’il pipeautait le % du taux de « réutilisation des études », afin de créer un matelas pour la BU.

Les enseignements à tirer de cette prise de poste

Si un contrôleur de gestion n’avait pas été détaché auprès de la BU, le contrôle de gestion central n’aurait pas pu réaliser ces analyses et y voir clair. Cet outil a permis à la BU d’avoir une démarche construite et argumentée vis-à-vis du directeur du contrôle de gestion (basée sur des hypothèses factuelles, démontrables et transparentes).

Avoir la main mise sur le système d’information permet au contrôleur de gestion de savoir où sont les opportunités de gains et les risques de pertes. La force de l’outil vient du choix de la bonne maille de découpage. Comme ce sont les opérationnels qui la connaissent, il faut passer par leur façon de penser pour la capter. Elle doit aussi être traçable et auditable (par exemple, vérifier avec le directeur du marketing les instructions de développement).

Rester humble

  • Etre conscient qu’on n’est pas du même côté que les opérationnels, car on n’a pas les mêmes intérêts, et que pour collaborer un opérationnel doit y trouver son intérêt
  • Obtenir l’appui du directeur opérationnel, qui est le seul à donner sa légitimité au contrôleur de gestion vis-à-vis de ses équipes
  • Toujours penser à mettre les opérationnels en valeur
  • Avoir en tête que, si une donnée n’est pas traçable, on peut se faire pipeauter.

Oser poser les bonnes questions lors du recrutement

Cela permet de comprendre l’environnement dans lequel on va arriver : l’état psychologique des protagonistes, l’intérêt des opérationnels pour la rentabilité de l’entreprise…

Etre fortement motivé pour surpasser les difficultés

Le piège aurait été de tout révéler au directeur du contrôle de gestion, ce qui aurait eu comme effet de contraindre les chefs de service à accepter l’objectif sans qu’il soit construit (-X% pour tous les services), et de décrédibiliser toute démarche ultérieure.

Ecrit par

Caroline Selmer

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