La norme IFRS 11 marque-t-elle la disparition totale de l’intégration proportionnelle ?

Michel SionManager Offre et Expertise Finance Cegos

La norme IFRS 11 « partenariats » est obligatoire pour les groupes cotés dans l’union européenne à partir des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2014, elle remplace la norme IAS 31. Cette norme s’applique à tous les partenariats selon lesquels deux partenaires ou plus contrôlent en commun une activité économique, que cette activité soit menée ou non au sein d’une entité juridique spécifique, distincte de celle des partenaires.

On a souvent écrit que cette norme supprimait la méthode de l’intégration proportionnelle au profit de la mise en équivalence. La réalité est toutefois un peu plus complexe.

Rappels sur la notion de partenariat

Rappelons que la notion de partenariat repose sur le contrôle conjoint qui est le contrôle en commun d’une activité économique par un nombre limité de partenaires. Cette activité peut être réalisée ou non au sein d’une entité juridique spécifique. Dans tous les cas, le contrôle conjoint repose sur un accord contractuel qui prévoit que les décisions importantes (décisions portant sur les activités pertinentes) sont prises en commun par les partenaires sans que l’un deux puisse imposer sa volonté aux autres (consentement unanime). Cet accord peut être matérialisé dans les statuts de l’entité conjointe, dans un pacte d’actionnaires ou tout autre document contractuel.

Pour les entités conjointes, la norme IAS 31 reconnaissait la méthode de l’intégration proportionnelle comme méthode de référence et permettait la mise en équivalence comme méthode alternative. Selon l’intégration proportionnelle, chaque coassocié intègre dans ses comptes consolidés sa quote-part d’intérêt des actifs et dettes, produits et charges de l’entité contrôlée conjointement. Par ailleurs, les normes américaines (US GAAP) ne permettent pas l’utilisation de cette méthode, lui préférant la mise en équivalence.

IFRS 11 distingue deux catégories de partenariats

L’entité conjointe

L’ « entité conjointe » (joint-venture) dans laquelle les partenaires n’ont des droits et obligations que sur l’actif net du partenariat. Dans ce cas, seule la mise en équivalence est permise. La disparition de l’intégration proportionnelle pour les entités conjointes s’inscrit dans un souci de convergence avec les normes américaines.

L’opération conjointe

L’« opération conjointe » (joint operation) dans laquelle les accords contractuels ou d’autres faits et circonstances confèrent en substance aux partenaires des droits directs sur les actifs et des obligations directes sur les passifs du partenariat. Dans ce cas, le groupe intègre sa quote-part d’intérêt dans les actifs et dettes, produits et charges de l’entité selon une méthode proche de l’intégration proportionnelle.

Une nécessaire interprétation d’IFRS 11

Le comité en charge de l’interprétation des normes, IFRS IC, a apporté en 2014 des précisions pour faciliter la distinction entre ces deux formes de partenariat :

Les partenariats structurés au sein d’une entité juridique distincte dédiés à un projet spécifique conduisant à la fourniture d’un bien ou service à un client final ne répondent pas à la définition d’une opération conjointe car il n’est pas possible de démontrer que les partenaires ont des droits directs sur les actifs du partenariat.

Par contre, devrait être considérée comme une opération conjointe les entités « amont » fournissant un bien ou service aux partenaires et dans lesquelles les partenaires ont une obligation d’achat.

Dans ce cas, les partenaires ont :

  • Un droit direct sur les actifs du partenariat car celui-ci travaille essentiellement pour leur compte,
  • Une obligation directe sur les passifs du partenariat car les dettes de celui-ci sont réglées essentiellement par la trésorerie provenant des partenaires.

Les enjeux en termes de présentation

La suppression de l’intégration proportionnelle pour les entités conjointes se traduit tout d’abord par une diminution du chiffre d’affaires consolidé parfois importante sachant que la conclusion de partenariats constitue une part significative de la stratégie de développement de certains grands groupes.

Cette suppression risque également de diminuer le résultat opérationnel du groupe lorsque la quote-part de résultat des entités mises en équivalence est inscrite sous ce résultat. Toutefois, en 2013, l’Autorité des Normes Comptables (ANC) en France a émis une recommandation par nature facultative conseillant d’inscrire cette quote-part de résultat au-dessus du résultat opérationnel dès lors que l’activité des sociétés mises en équivalence s’inscrit dans le prolongement de l’activité du groupe.

Illustration : incidences de la nouvelle norme IFRS 11 sur les comptes du groupe PSA

(extrait du rapport annuel 2014)

Les principales sociétés sous contrôle conjoint qualifiées de coentreprises sont DPCA et CAPSA. Elles sont consolidées par mise en équivalence.

Les sociétés qualifiées d’opérations conjointes sont Toyota Peugeot Citroen Automobile (TPCA), Sevel SpA et PCMA Automotiv Rus (PCMAR). ….. TPCA et Sevel SpA étaient antérieurement consolidées par mise en équivalence… Ces nouvelles normes sont pour principal effet d’enregistrer à l’actif du bilan consolidé la part du groupe dans la valeur comptable des immobilisations des filiales qualifiées d’opérations conjointes et d’enregistrer au passif la part du groupe dans leur endettement. Au 1er janvier 2013, le principal impact est une augmentation de l’endettement net du groupe de 227 millions d’euros, intégrant la dette nette de la société française de Mécanique à hauteur de 188 millions, qualifiée d’opération conjointe avant la prise de contrôle exclusif par le Groupe.

Conclusion

Pour le groupe PSA, la nouvelle norme IFRS 11 a donc eu comme effet qui peut paraître paradoxal une augmentation des actifs et dettes car les entités qualifiées d’opérations conjointes étaient antérieurement mises en équivalence.

Toutefois, les partenariats sous la forme d'une opération conjointe semblent minoritaires par rapport aux entités conjointes. L'utilisation de l'intégration proportionnelle, même si elle n'a pas complètement disparu voit son champ d'application considérablement réduit.

Extrait du livre "Analyse financière des comptes consolidés - IFRS, 3ème édition à paraître en septembre 2015

 

Pour aller plus loin :

Formation Analyse financière des comptes consolidés et normes IFRS

Ecrit par

Michel Sion

Spécialisé dans la finance d'entreprise, Michel Sion est responsable des offres de formation Trésorerie, Finance, Gestion et Comptabilité pour non spécialistes et Risque client.
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